TOPA[E]! reproduit ci-dessous deux
tribunes de Muriel
Fabre-Magnan, professeur de droit à l'Université de Paris 1 Panthéon –
Sorbonne, auteur de La gestation pour autrui (Ed. Fayard, 2013) et de la
philosophe Sylviane
Agacinski suite au récent arrêt
de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 juin 2014 sur la Gestation pour autrui
et le statut des enfants qui en sont issus.
Toutes les deux demandent un statut pour l’enfant issu d’une
GPA illégale en France et qui doit le demeurer mais un déni de parentalité aux
acheteurs d’enfants qui devraient se voir affubler uniquement de devoirs.
Une position que défend TOPA[E]! pour le bien des enfants.
- Enfants nés de
mères porteuses. Un juste milieu est encore possible
Par Muriel
Fabre-Magnan
L'affaire du bébé trisomique conçu par gestation pour autrui
en Thaïlande montre, s'il en était encore besoin, l'impossibilité d'une
gestation pour autrui (GPA) «éthique». Quelle réglementation aurait en effet
permis de régler ce cas «éthiquement» ? Aurait-il été éthique d'obliger la mère
porteuse à avorter, même contre son gré? D'obliger le couple d'intention à
prendre l'enfant handicapé avec son jumeau bien portant? Et comment les
empêcher ensuite d'abandonner cet enfant à un service social en Australie? La
question de la légalisation de la GPA en France n'est heureusement pas à
l'ordre du jour. Il faut, en revanche, tirer les conséquences de la
condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, motivée
par le fait que notre pays refuse de transcrire, à l'état civil, la filiation
des enfants nés de mères porteuses à l'étranger. La Cour reconnaît cependant
que les parents, quant à eux, ne peuvent pas se plaindre d'une atteinte à leur
vie familiale, car les difficultés pratiques auxquelles ils se heurtent ne
sont, en réalité, pas insurmontables. La solution prônée par la Cour européenne
n'est pas admissible. Reconnaître un lien de filiation conduirait en effet à
valider juridiquement les gestations pour autrui pratiquées à l'étranger.
L'encouragement à la fraude serait alors évident. Il suffirait d'avoir recours
aux services d'une mère porteuse à l'étranger pour être assuré que le droit
français acceptera le montage.
Respecter l'intérêt
de l'enfant sans développer un marché
Certes, les enfants ne doivent pas être sanctionnés pour les
fraudes commises par leurs parents, mais l'intérêt de l'enfant ne peut être
apprécié de façon purement individuelle. Il n'est pas possible de fermer les
yeux sur la façon dont les enfants ont été obtenus (par exemple, par trafic ou
par enlèvement) et de prétendre que leur intérêt serait toujours de régulariser
leur situation avec ceux qui les ont recueillis. Est-ce l'intérêt de l'enfant
de n'être plus considéré comme une personne, mais comme une chose que l'on
commande, que l'on fabrique, et que l'on livre? Un juste milieu pourrait être
trouvé. Il viserait à empêcher le développement du marché des mères porteuses
tout en respectant l'intérêt de l'enfant. Il s'agirait de concevoir un statut
juridique, comme le tutorat ou un mandat d'administration, qui permettrait de
ne donner des droits qu'à l'enfant (droit au nom, à la nationalité française,
etc.). Le couple commanditaire n'aurait quant à lui que des devoirs, ceux liés
traditionnellement à l'autorité parentale, tel que le devoir d'éduquer et
d'entretenir l'enfant. Il serait en revanche privé des droits liés à la
parenté. La France a décidé de ne pas faire appel de la décision de la Cour
européenne des droits de l'homme. Cette position peut être judicieuse s'il
s'agit de proposer une troisième voie entre le tout (valider sans ciller les
gestations pour autrui pratiquées à l'étranger) et le rien (aucune protection
de l'enfant). La France aurait eu alors raison de ne pas faire appel; de plier
pour ne pas rompre
- Mères porteuses et
droits de l'Homme
Par Sylviane
Agacinski
La propagande en faveur de la légalisation de la pratique
des «mères porteuses» a récemment changé de stratégie : faute d'être recevable
sur le fond, elle prend des chemins détournés.
Ainsi, les partisans de la «gestation pour autrui», formule
soft qui occulte l'accouchement et les liens biologiques entre la mère et
l'enfant qu'elle porte, réclament la transcription dans l'état civil français
des filiations établies à l'étranger entre des «parents d'intention» et les
enfants nés d'une mère porteuse.
Or, il est clair que ceci reviendrait ipso facto à légitimer
les «gestations pour autrui» pratiquées hors de nos frontières. Elle inciterait
les couples à recourir à cette pratique et nourrirait l'industrie procréative
là où elle existe. La France s'inclinerait, à l'avenir, devant le fait accompli,
quelles que soient les conditions dans lesquelles les femmes auront été
exploitées ailleurs! Et la voie vers une légalisation de la pratique des mères
porteuses serait ouverte.
Ceux qui militent en faveur de cette pratique se sont
tournés vers la Cour européenne des droits de l'Homme. Or, dans son arrêt du 26
juin 2014, la Cour n'a pas contesté à la France son droit à interdire la
«gestation pour autrui», mais elle lui a demandé d'assurer aux enfants nés de
mères porteuses une «vie sociale satisfaisante», ce qui semble en effet
souhaitable.
Pourquoi j'en appelle au président de la République
Mais il n'est nullement nécessaire, pour autant, de
transcrire la filiation sur l'état civil. Les adultes qui élèvent un enfant né
d'un contrat illicite de mère porteuse pourraient, par exemple, être déclarés
«tuteurs» de l'enfant. Cette solution éviterait d'abdiquer devant la
commercialisation du corps humain et d'établir juridiquement une filiation
frauduleuse au regard du droit français.
Le droit sépare les personnes et les choses: les choses
peuvent s'échanger, elles peuvent être données ou vendues, mais non pas les
personnes. On ne peut donc pas louer le corps d'une femme pour en faire un
instrument de production d'enfant. Et l'enfant lui-même, qui est une personne
dès sa naissance, ne peut être ni donné ni vendu. Son intérêt supérieur, comme
être humain, n'est certainement pas de devenir une chose commandée et produite
au moyen de cellules et de corps anonymes.
On le sait, le président de la République a adopté une
position très claire contre toute forme de légalisation des mères porteuses en
France : c'est pourquoi nous nous tournons aujourd'hui vers lui, dans une lettre ouverte qui peut être signée par tous (à l'appel
du Collectif pour le respect de la personne), afin qu'il se montre inflexible
face aux groupes de pression qui, par des moyens détournés, nient les droits
fondamentaux de la personne.
Touche Pas Aux Enfants – TOPA[E]!
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