La Révolution de l’Enfant
Changeons
le monde en aimant nos enfants
Alexandre Vatimbella
L’enfant
n’a pas de valeur, il a une âme.
Et
c’est ce qui fait qu’il n’a pas de prix!
Ici, il n’est pas aimé.
Là, il est violenté.
Ici, il n’est pas respecté.
Là, il est assassiné.
Ici, il n’est pas reconnu.
Là, il est violé.
Ici, il n’est pas une personne.
Là, il est un esclave.
Ici, il ne peut être lui-même.
Là, il meurt dans l’indifférence.
Ici, il n’est qu’un objet.
Là, il est une marchandise.
Alors, ici et là, ses bras se
tendent.
Et les nôtres?
Trop souvent, son besoin d’amour se
perd dans les déserts de notre insensibilité.
Trop souvent, ses cris de
détresse se fracassent contre le mur de notre indifférence.
Tous les jours, ici et là, des enfants
sont victimes de notre démission.
Chaque année, ici et là, passifs,
nous regardons des millions d’enfants souffrir et mourir.
Vous qui aimez les enfants, vous
demandez pourquoi.
Vous qui respectez les enfants,
vous vous demandez quoi faire.
La réponse,
La
Révolution de l’Enfant.
C’est grâce à elle que tous les
enfants, partout dans le monde, seront aimés pour ce qu’ils sont dans le
respect de leur personnalité.
C’est grâce à cet engagement de
nous tous que, aux quatre coins de la planète, cette révolution deviendra une
réalité.
Une Révolution de l’Enfant qui ne
sera achevée que le jour où tous les enfants, sans exception aucune, seront
aimés, respectés, aidés et protégés.
Et si nous commencions, ici et
là, tout de suite, sans attendre?!
N’oublions
pas que,
-
Entre 500 millions et 1,5 milliard d’enfants ont été affectés par la violence
en 2009.
- 8,8
millions d’enfants de moins de cinq ans sont morts en 2008 dans le monde.
- 4
millions d’enfants meurent au cours de leur premier mois de vie dans le monde.
- 4
millions d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de diarrhée, de paludisme
et de pneumonie.
- 2
millions d’enfants de moins de 15 ans dans le monde sont séropositifs.
- 1,2
million d’enfants environ ont été victimes de la traite chaque année, depuis
2000.
- 150
millions d’enfants de 5 à 14 ans sont engagés dans une activité économique.
-
215 millions d’enfants de 5 à 17 ans sont obligés de travailler dont 115
millions dans des activités dangereuses.
- 145
millions d’enfants ont perdu un parent, ou les deux, toutes causes confondues.
- 70
millions de femmes et de filles de 29 pays ont subi une mutilation génitale ou
une excision.
-
Plus de 64 millions de femmes de 20 à 24 ans habitant le monde en développement
se sont mariées avant l’âge de 18 ans.
- 51
millions d’enfants n’ont pas été enregistrés à la naissance
- 18
millions d’enfants sont affectés par les déplacements de population.
- 15
millions d’enfants ont perdu un parent ou les deux à cause du SIDA.
- 14
millions de jeunes femmes ont un enfant entre 15 et 19 ans.
-
Plus d’1 million d’enfants sont détenus à la suite d’une procédure judiciaire.
- 1
milliard d’enfants sont privés d’un ou plusieurs services essentiels à leur survie
et à leur développement.
- 148
millions d’enfants de moins de cinq ans des régions en développement souffrent d’insuffisance
pondérale pour leur âge.
- 101
millions d’enfants ne vont pas à l’école primaire, les filles étant plus
nombreuses que les garçons.
- 37
millions de nourrissons ne reçoivent pas le sel iodé qui les protègerait des carences
en iode.
- 22
millions de nourrissons ne sont pas protégés des maladies infantiles par une
vaccination de routine.
- 19
millions de nourrissons des pays en développement souffrent d’insuffisance
pondérale à la naissance.
- Plus
de 265.000 enfants maltraités sont placés sous protection en France, soit 1,8%
des moins de 18 ans.
Même
si,
- Le
nombre de décès d’enfants de moins de cinq ans dans le monde est tombé de 12,5
millions en 1990 à moins de 9 millions en 2008.
- L’allaitement
exclusif au sein a augmenté pour les bébés de moins de six mois.
-La
protection complète assurée aux enfants des régions en développement par la
distribution de deux doses de vitamine A est passée de 16 à 62 % depuis 1999.
-Les
vaccinations par trois doses de vaccin DTC ont augmenté, passant de 75 % en
1990 à 81 % en 2007.
-
Les vaccins ont sauvé des millions de vies et contribué à réduire de 74 % les
décès imputables à la rougeole dans le monde depuis 2000.
- Depuis
2000, l’usage de moustiquaires traitées à l’insecticide pour protéger les moins
de cinq ans contre le paludisme a nettement progressé en Afrique subsaharienne.
-La
prévalence du VIH a décliné depuis 2000 chez les femmes de 15 à 24 ans qui
fréquentent un dispensaire prénatal dans 14 des 17 pays où l’on dispose de
données suffisantes pour déterminer une tendance.
-Le
traitement du VIH a considérablement augmenté pour les enfants de moins de 15
ans, surtout en Afrique subsaharienne.
-Le
nombre d’enfants ne fréquentant pas l’école a diminué, de 115 millions en 2002
à 101 millions en 2007.
-Plus
de 90 % des élèves des pays en développement allaient jusqu'à la fin de
l’enseignement primaire en 2000-2007.
-La
parité des sexes dans le primaire s’améliore avec un index de parité qui monte
à 96 % ou plus dans la plupart des régions en développement.
(Sources:
Unicef, BIT, gouvernement français)
I
Une vraie révolution des enfants - Une vraie révolution par les enfants
Une vraie révolution pour les enfants
Un monde meilleur passe par la Révolution de l’Enfant
Vos enfants ne sont pas vos
enfants, ce sont les fils et les filles de l’appel de la Vie. Ils viennent à
travers vous et non pas de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous
appartiennent pas.
Khalil Gibran
De tout temps, l’enfant a
représenté l’espoir de l’Humanité. Aujourd’hui où cet enfant est plus désiré
que subi dans la plupart des sociétés, notamment celles des pays avancés, il
n’est pas compréhensible qu’il puisse être rejeté de quelque façon que ce soit
par la communauté, d’autant qu’il est la matérialisation de plus en plus d’un
acte d’amour. Et c’est par un autre acte d’amour que nous devons lui faire
toute la place qui lui revient dans ce monde et dans la communauté.
La Révolution de l’Enfant, Révolution de l’Amour
La Révolution de l’Enfant, c’est
la Révolution de l’Amour, la révolution définitive, celle qui permettra de
changer réellement la société.
La Révolution de l’Enfant, c’est
aimer l’enfant.
Aimer l’enfant c’est, dans l’affection,
le respecter, l’aider et le protéger.
Respecter l’enfant signifie
respecter et reconnaître ce qu’il est, ce qu’il pense, ce qu’il fait, ce qu’il
dit, ce qu’il veut devenir, le respecter et le reconnaître comme une personne
digne, indépendante et libre.
Aider l’enfant signifie lui
permettre d’être capable de se construire lui-même, de s’autonomiser, de
pratiquer sa liberté, c’est lui montrer l’importance d’être plutôt que d’avoir,
c’est lui transmettre un savoir et des valeurs humanistes, tout en le
conseillant et en lui apprenant le respect du aux autres.
Protéger l’enfant signifie
l’éloigner des risques subis de toute nature venus de l’extérieur et l’empêcher,
par le conseil et l’information, d’avoir des comportements à risques pour sa santé
physique et psychique qu’il ne peut maîtriser, lui assurer son intégrité
physique, psychique et émotionnelle.
Aimer l’enfant, c’est donc lui
permettre dans une atmosphère affective de s’épanouir afin d’avoir une vie
présente et future accomplie.
La Révolution de l’Enfant, c’est reconnaître
l’enfant comme une personne à part entière, étant à lui-même, sujet de sa
propre vie et non objet de la vie d’autres et de leurs projections, possédant
une âme et non une valeur, c’est reconnaître l’enfant dans toutes ses dimensions
tout en le protégeant des dangers qui le guettent et non de lui-même, le tout
dans une affection et un amour indispensables à son développement afin qu’il
s’épanouisse pour que la personne qu’il est et qu’il sera s’accomplisse durant
toute son existence.
Soyons clairs et nets, cette
Révolution de l’Enfant n’est absolument pas un doux rêve utopique irréalisable.
Aimer vraiment les enfants en les respectant, en les aidant et en les
protégeant est tout à fait possible dès aujourd’hui par toute la société. Il
suffit simplement de le décider et d’agir en conséquence. En réalité chacun de
nous le sait au plus profond de son cœur. Il suffit de ne pas éteindre la
flamme de l’espérance qui est dans celui-ci depuis notre conception. Il suffit
de ne pas renoncer à l’amour, le vrai, celui qui est partage. Il suffit de
vivre pleinement notre humanité.
Aimer les enfants, quelle belle
mission, quel bel objectif. Tout le monde en convient. Mais qu’est-ce que cela
veut dire concrètement? Beaucoup de choses qui peuvent paraître contradictoires
mais qui forment un tout. Ainsi, nous devons respecter leurs personnalités et
leurs volontés, nous devons les aider à se construire, à construire leurs vies
pour qu’elles soient les plus belles possibles, les plus remplies possibles
tout en les protégeant, ce qui signifie leur interdire un certain nombre de
choses qu’ils souhaiteraient avoir et d’autres qu’ils voudraient faire.
Néanmoins, ces interdictions doivent être uniquement motivées par l’impérieuse
nécessité de les protéger physiquement et psychiquement ainsi que par le
respect du aux autres, mais un respect identique à celui qui leur est dû et non
un respect d’un niveau supérieur, cette allégeance de «petite» personne à
«grande» personne que réclament souvent les adultes de la part des enfants. Et
toutes les interdictions doivent pouvoir leur être expliquées.
La Révolution de l’Enfant, Révolution définitive
La Révolution de l’Enfant est la
Révolution définitive parce qu’elle changera une bonne fois pour toute la manière de
concevoir la vie en société et les rapports entre les êtres humains. Dès lors,
dans son acceptation d’achèvement d’un but poursuivi par l’Humanité, dans ce
qu’il est possible de construire de mieux sur cette Terre, cette révolution
doit être comprise que comme «définitive», c’est-à-dire comme la seule
révolution possible, comme le seul événement pouvant être estampillé
«révolution».
Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’une
société issue de cette «Révolution définitive» n’aura aucune dynamique, au
contraire, puisque sur ses fonds baptismaux elle aura une immense tâche à mener
à bien, une tâche sans fin, le terme «définitive» ne signifiant pas qu’un
retour en arrière est impossible mais seulement qu’une nouvelle ère est enfin
possible. D’autant que l’on sait bien que ce que les hommes et les femmes
bâtissent, ils peuvent, de la même façon, le détruire (bien que la société
issue de cette Révolution définitive devrait être, dans son fonctionnement
idéal, à l’abri d’une telle mésaventure).
La Révolution de l’Enfant, révolution mondiale
Pour être totalement définitive,
la Révolution de l’Enfant doit être mondiale sachant qu’une des difficultés en
la matière vient de ce que la condition de l’enfant n’est jamais partout identique
aux quatre coins du globe. Cependant, le statut de l’enfant doit devenir le
même partout, c’est-à-dire que l’on doit aboutir, petit à petit, à une
convergence des différents statuts qui doivent se fondre, in fine, en un statut
unique.
La vocation mondiale de la
Révolution de l’Enfant n’empêche pas qu’elle ait lieu à un rythme et selon des
modalités différents selon les régions du monde. Mais, partout dans le monde,
les énergies du changement humaniste doivent se battre pour que l’enfant soit
aimé de la même manière dans le respect, l’aide et la protection.
L’enfant, pierre angulaire de la Révolution définitive de l’Amour
La Révolution de l’Enfant c’est
aussi faire de l’enfant la force motrice et la pierre angulaire d’une
révolution encore plus large qui inclura l’humanité toute entière et qui
permettra d’édifier une société de l’Amour, celle du Respect, de la Tolérance
et de la Solidarité dans la Liberté.
Quand, partout dans le monde,
nous aimerons l’enfant pour lui-même, tout en le respectant, l’aidant et le
protégeant, alors nous aurons accompli une révolution pour toute l’humanité.
L’amour donné aux enfants, à terme, ne peut qu’irriguer entièrement la société
et apporter les même bienfaits aux êtres humains de toute la planète.
Mettre l’enfant au cœur de la
communauté humaine et en faire ainsi la préoccupation première de celle-ci,
c’est mettre la personne, quel que soit son âge, au cœur de la problématique
sociétale car ce n’est qu’en aimant les enfants que tous les membres de la
communauté pourront s’aimer les uns les autres.
La Révolution définitive de
l’Amour doit établir une société mondiale de Respect, de Solidarité et de
Tolérance dans la Liberté. Mais pour qu’elle ait lieu, il faut évidemment qu’une
Révolution de l’Enfant permette aux enfants de se développer dans le meilleur
environnement possible grâce à l’affection qu’ils recevront.
Un enfant aimé est la condition
indispensable et incontournable d’une communauté respectueuse de tous ses membres.
Ceux qui n’aiment pas les enfants
n’aiment pas la vie et ne peuvent aimer les autres, quels qu’ils soient.
Se battre pour les enfants, c’est
se battre pour une humanité meilleure.
En quoi le monde serait-il
meilleur si nous aimions vraiment les enfants? Il le serait parce que nous
serions alors capables de prendre soin d’une manière désintéressée de ce qui a
le plus de valeur pour l’Humanité. De plus, en aimant les enfants, nous serions
capables d’en faire des personnes épanouies et aimantes des autres et de leurs
enfants ce qui, de générations en générations, édifierait une humanité toujours
meilleure. C’est cela la Révolution de l’Enfant.
Changer notre vision de l’enfant
Les enfants sont les seuls à
pouvoir être le centre de cette Révolution de l’Amour. L’amour apporté aux enfants
qui sont l’avenir de notre espèce et qui sont physiquement plus faibles
rejaillira nécessairement sur toute la communauté. La création d’une atmosphère
et l’adoption d’un comportement en regard de cet amour dû aux enfants, donnera
à la société la capacité de se respecter enfin elle-même, de respecter tous ses
membres, de faire en sorte que nous nous respections les uns, les autres et de
faire émerger entre nous de nouveaux comportements.
Car ce n’est pas tant en «changeant
l’enfant», comme un a priori nécessaire, que l’on va changer en profondeur la
société mais c’est en «changeant notre vision de l’enfant», en revisitant
d’abord notre vision et notre comportement vis-à-vis des enfants par l’amour,
que ceux-ci deviendront des êtres aimants, ce qui changera la société en
profondeur.
En aimant les enfants, non
seulement nous leur offrons une plus belle enfance mais également une vie future
plus belle, plus équilibrée en en faisant des personnes naturellement plus aimantes
et respectueuses de l’enfance.
Nous enclenchons ainsi un cercle
vertueux où en aimant leurs enfants, les adultes peuvent s’aimer les uns les
autres et créer les conditions pour, qu’une fois adultes, les enfants qu’ils
ont aimés, aimeront à leur tour et mieux encore qu’eux, leurs enfants.
Un enfant aimé deviendra plus
sûrement un adulte aimant.
Oui, l’enfant est une personne
Pour ceux qui savent depuis
toujours que l’enfant est une personne à qui on doit amour, que l’on doit
respecter dans toutes ses dimensions, que l’on doit aider et que l’on doit
protéger, les récentes «découvertes» démontrant qu’il est un être moral,
intelligent, affectif et doué des mêmes capacités que les adultes dans la
plupart des domaines, ne sont pas des surprises.
Oui, l’enfant est une personne à
part entière, pas un demi-être humain ni même une personne en devenir.
Oui, l’enfant n’est pas un futur
adulte et l’adulte n’est pas un ancien enfant mais, de sa naissance à sa mort,
l’être humain est un individu unique et indivisible, vivant différentes
périodes de son existence dans une communauté dont il a besoin pour vivre en
sécurité et qui lui garantit, en retour, sa liberté dans l’autonomie et la
différence, faisant de lui une personne constamment en train d’accumuler de
l’expérience et de la compétence.
Même si notre enfance est un
temps différent de notre vie d’adulte, il faut mettre fin à cette affirmation
schizophrénique selon laquelle «moi-enfant» et «moi-adulte», ce n’est pas la
même personne. Evidemment, c’est la même personne mais à des périodes de notre
vie différente. Evidemment, de notre naissance à notre mort, nous sommes la
même personne.
Nous savions déjà qu’il fallait
protéger la période de l’enfance parce que l’enfant est un être fragile. Nous
savons maintenant, scientifiquement, qu’il faut, dans le même temps, garantir
l’autonomie et la liberté de l’enfant parce que celui-ci possède les capacités
affectives, intellectuelles et morales pour se construire tout en étant aidé et
protégé.
Nous devons reconnaître l’enfant
en tant qu’être à qui nous devons l’accompagnement, l’aide et la protection
tout en respectant sa qualité de personne autonome et libre.
«La reconnaissance de l’enfant comme personne, comme
individu, ne signifie pas que l’enfant est un adulte. Elle indique que le
processus central des sociétés contemporaines occidentales –
l’individualisation – touche désormais aussi les enfants. La nature sociale de
l’enfant, dans nos sociétés, est d’être double: être ‘petit’ – c’est incontestable
– mais aussi être un individu comme les autres méritant d’être traité avec le
respect propre à toute personne. (…) L’enfant est à la foi fragile comme un
enfant et respectable comme tout être humain. (…) Cette tension permanente
entre ‘protection’ et ‘libération’ caractérise la spécificité de l’individualisation
pour l’enfant.» (1)
Non, l’enfant n’est pas respecté
La Révolution de l’Enfant, c’est
cesser de prendre les enfants pour des imbéciles naïfs, incapables et
manipulables quand cela nous arrange ou de les traiter en objets de grande
valeur que l’on s’approprie, voire, parfois, leur demander d’agir en adultes,
soit quand nous n’assumons pas notre rôle, soit quand nous voulons les rendre
responsables de leurs actes comme s’ils étaient des grandes personnes.
Nous devons également cesser de
traiter l’enfant en être irresponsable quand cela nous arrange et en être
responsable pour notre profit. Or, c’est tout le contraire qu’il faut faire.
Nous devons lui porter assistance quand il en a besoin et lui laisser son
autonomie et sa liberté le plus souvent possible. Si nous faisions ainsi, nous
aurions déjà bâti les fondations de la Révolution de l’Enfant.
De même, amour des enfants ne
veut pas dire instrumentalisation par les adultes de la cause des enfants pour
leurs propres intérêts comme on peut le voir trop souvent à travers le monde,
même chez nous dans de banals actes du quotidien quand des parents, au nom
soi-disant du bien-être et de la défense de leurs enfants tentent d’obtenir des
avantages pour eux-mêmes ou réclament des passe-droits pour leur unique confort.
Beaucoup de gens prétendront que
ces affirmations sont sans fondement parce que notre société d’aujourd’hui
déifie les enfants comme jamais cela n’a été fait auparavant et que l’on
reconnait de plus en plus à l’enfant une place à part dans notre société.
Ces mêmes personnes estiment même
que nous sommes allées trop loin dans la «libéralisation» de l’enfant et proclament,
dans leur avidité de compiler tous les faits divers qui mettent en scène la
violence des jeunes et les «dérèglements» dus au manque de fermeté à leur égard,
qu’il faut en revenir à la bonne vieille autorité venue d’en-haut et
réinstaurer un cadre rigide dans lequel toute éducation dont le but est de
«bien élever» un enfant doit se dérouler.
Au-delà d’un petit tour du monde,
dans les mines où des enfants continuent de travailler ou dans les bordels où
des petits garçons et des petites filles sont violés et exploités
quotidiennement, au-delà des enfants qui sont souvent les premières victimes
des génocides de l’Allemagne nazie au Cambodge Khmer Rouge en passant par le
Rwanda, au-delà des enfants soldats que leurs chefs envoient en première ligne
pour protéger les combattants adultes, au-delà des enfants que l’on tue parce
qu’ils n’ont pas la bonne couleur, le bon sexe, les bonnes caractéristiques
physique ou, tout simplement, parce qu’on n’en a pas envie, au-delà de
l’enfance exploitée et maltraitée dans les pays avancés, regardons la réalité
en face, l’enfant n’est, le plus souvent, qu’un objet de vénération que ses
parents veulent sacraliser et posséder mais non aimer pour ce qu’il est.
«On estime qu’un milliard d’enfants dans le monde
souffrent toujours de privations matérielles. Des millions d’enfants, en
Afrique et en Asie en particulier, sont privés d’accès à des services de santé
de qualité, de suppléments en micronutriments, d’éducation, de sources d’eau ou
de moyens d’assainissement améliorés et d’un logement convenable. En moyenne,
chaque jour, plus de 24 000 enfants de moins de cinq ans meurent de causes qui
sont pourtant en grande partie évitables. Entre 500 millions et 1,5 milliard
d’enfants sont victimes de violence chaque année. Environ 150 millions
d’enfants de 5 à 14 ans travaillent, plus de 140 millions d’enfants de moins de
cinq ans souffrent d’insuffisance pondérale pour leur âge et environ 100
millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire ne sont pas scolarisés. La
participation des enfants en est encore à ses balbutiements et n’a toujours pas
été véritablement adoptée dans les pays industrialisés et les pays en
développement.» (2)
En France «de nombreux problèmes soulevés appellent
encore des réponses:
- les mineurs en danger, victimes de maltraitance,
- l’exploitation sexuelle des mineurs,
- l’insuffisance des moyens de la médecine scolaire,
- l’échec scolaire,
- le mal-être des adolescents,
- les conditions de vie précaires, voire de pauvreté
d’un à deux millions d’enfants,
- l’insuffisance des moyens financiers donnés au
système judiciaire,
- le recours excessif aux mesures privatives de
liberté, par défaut de structures alternatives à l’incarcération des mineurs,
- l’insuffisante information sur la Convention
relative aux droits de l’enfant.
Trop de tragédies subsistent faute de volonté
politique suffisante. Pourtant, la promotion des droits de l’enfant constitue
un investissement décisif pour la société, pour ces mineurs d’aujourd’hui qui
seront les parents de demain. Préservons leur droit à l’enfance.» (3)
Dans le monde, l’enfant n’est souvent
qu’un objet. Un objet de vénération dans les pays avancés, un objet marchandise
et/ou de revenus dans les pays les plus pauvres (ce qui n’empêche pas que, dans
ces pays avancés et pauvres, il soit aussi aimé par ses parents, le plus
souvent). Une vision inacceptable qui permet toutes les dérives.
Sans parler des mauvais
traitements. D’autant que s’attaquer psychologiquement et/ou physiquement à un
enfant est la pire des lâchetés qui existe de la part des adultes puisqu’ils
sont sûrs d’avoir un ascendant sur lui grâce à leur force physique et à leur
autorité. Et une société de lâches ne peut prétendre faire la morale, ni servir
d’exemple aux plus jeunes. Tout au plus peut-elle diffuser des règles à sa
convenance afin de ne pas se culpabiliser outre mesure.
S’il n’y avait pas tant d’yeux
qui se ferment devant l’enfant maltraité, nous éviterions tellement de
souffrance injustifiée. S’il n’y avait pas tant d’indifférence devant les
détresses de l’enfant, nos éviterions tellement d’accidents et de suicides.
S’il n’y avait pas tant d’égoïsmes, nous éviterions tellement de détresse
affective de l’enfant.
En outre, ces dernières décennies
s’est développé un drôle de «droit à l’enfant» qui permet à tout le monde de
revendiquer le droit d’avoir un enfant. Ce droit à l’enfant n’est en fait rien
d’autre que la marchandisation de l’enfant considéré comme un objet que l’on
peut acquérir de multiples façons et non un sujet. Il est souvent antinomique
avec les droits de l’enfant.
Les avancées de la science et les
revendications de certaines groupes sociaux,
ont, petit à petit, transformé le contenu du terme «avoir un enfant». En
permettant la possibilité de programmer (ou de tenter de le faire) la venue
d’un enfant dans un foyer, l’enfant est devenu plus un objet de désir alors
qu’il devrait être un sujet d’amour. Ainsi, on peut, par la contraception ou
l’avortement, empêcher sa venue ou la repousser. On peut, à l’inverse, par
toutes les techniques de la procréation assistée, par les mères porteuses, par
l’adoption, accélérée celle-ci. L’avantage majeur pour l’enfant est qu’il est
alors «désiré». Mais ce désir tend à l’assimiler dangereusement à un simple
produit que l’on peut acquérir quand bon nous semble.
Quoiqu’il en soit, le droit à
l’enfant ne doit absolument pas interférer avec le droit à l’enfance qui, lui,
est celui que nous devons promouvoir de toutes nos forces car il permettra à
l’enfant d’être lui-même, d’être respecté, protégé et aidé.
Il ne s’agit pas de donner plus
de droits aux enfants que ceux contenus dans la Convention internationale des
droits de l’enfant proclamée en 1989 ou dans tout autre document similaire. La
Révolution de l’Enfant est d’abord une affaire de comportement, de
reconnaissance, de parole donnée s’appuyant évidemment sur la règle juridique
qui ne peut être ignorée dans un monde où la sanction contre la transgression
demeure encore un rempart contre tous les comportements violents qui menacent
le bien-être de l’enfant.
L’enfant est un roi nu
L’enfant est roi, disent
certains. En fait dans nos sociétés modernes et postmodernes avancées, l’enfant
est roi au même titre que tout autre individu qui désire se situer au centre de
l’univers et veut que l’on s’occupe de lui comme s’il n’y avait que lui qui compte
dans ce monde, c’est-à-dire une grande partie de la population mondiale! Du
coup, le statut de l’enfant est identique à celui des autres avec, en plus, le
handicap que l’adulte n’assume plus alors son devoir de responsabilité
vis-à-vis de l’enfant.
Un enfant n’est roi que parce que
ses géniteurs se considèrent comme «roi et reine» et que leur progéniture n’étant,
à leurs yeux, qu’une extension d’eux-mêmes est aussi roi. Mais l’enfant n’est
pas roi par rapport aux autres dans la société, il est roi au même titre que
tous les autres. Pire, il est un roi nu car il ne possède rien et dépend
entièrement des adultes pour sa vie matérielle.
«Le droit des individus à devenir eux-mêmes est devenu
la croyance centrale de la seconde modernité. (…) L’enfant a changé d’identité
non parce que les adultes s’inclineraient devant l’enfant-roi, mais parce que
tout individu jeune ou non est ‘roi’ dans une société individualiste» (4)
Ces mêmes qui ne voient que l’enfant-roi en évitant de se poser la
question de l’adulte-roi qu’ils sont et dont ils revendiquent les attributs,
estimeront qu’une Révolution de l’Enfant va détruire la société par la
démission et la permissivité, par l’assassinat de l’autorité et du respect du
plus petit au plus grand.
Cette peur a toujours été celle de ceux qui détiennent le pouvoir
devant ceux qui le subissent et pourrait le revendiquer ou, tout au moins, en demander
légitimement le partage. Ainsi, quelques «spécialistes» de l’enfance continuent
à clamer pour le bonheur de tous les adultes-rois qui ne veulent pas partager –
et il y en a encore énormément - que l’enfant doit rester à sa place,
c’est-à-dire à celle d’être en devenir, incapable et obéissant aux ordres des
aînés.
Cette vision est contredite par toutes les recherches scientifiques.
Par ailleurs, les tenants de l’ordre ancien ou de la restauration d’un ordre
idyllique qui, bien sûr, n’a jamais existé, se trompent sur la signification de
la volonté d’aimer l’enfant en le respectant. Le respect n’a jamais été une
voie ouverte à la déstructuration de la cellule familiale, à la confusion des
rôles et aux devoirs des parents et à leur responsabilité vis-à-vis de leurs
enfants. Au contraire, aimer les enfants c’est justement leur permettre d’être
des enfants tout en les considérant comme des égaux et des personnes à part
entière. En les respectant, les adultes seront respectés naturellement par les
enfants.
Les faux paradoxes de la
condition de l’enfant
L’enfant est libre mais doit être protégé. L’enfant doit apprendre la
vie en société mais doit être respecté avant de respecter les autres. L’enfant
a droit à la parole et à décider de sa vie mais il n’est pas toujours capable
du discernement nécessaire.
Ces paradoxes de la condition de l’enfant sont mis en avant par tous
ceux qui critiquent cette émancipation de l’enfant, rappelant qu’un enfant
n’est pas capable de soutenir toutes les conséquences de cette condition.
Leur volonté de déprécier les capacités de l’enfant – toujours,
soi-disant, au nom de son bien-être – part d’une vision binaire des relations
enfants-parents. Pour eux, si l’enfant n’est pas dominé par les parents, c’est
donc les parents qui seront dominés par les enfants et leurs revendications
irresponsables.
Or, le double statut de l’enfant, personne libre et personne
nécessitant aide et protection, est tout à fait gérable. Mais, c’est vrai, il
demande un investissement plus grand des parents, de la famille et de la
société.
Prenons l’exemple emblématique du respect. Autrefois, on estimait que
pour mériter le respect de leurs parents, les enfants leur devaient d’abord le
respect. Pourtant, ce n’est qu’en respectant leurs enfants – c’est-à-dire en
leur montrant l’exemple, en leur apprenant par les actes – que les parents
peuvent attendre en retour le respect de leurs enfants. Ce n’est qu’en leur
transmettant concrètement les valeurs de respect de l’autre qu’ils pourront en
être bénéficiaires. Car c’est bien à l’accueillant de respecter l’accueilli
d’autant plus si celui-ci est «désiré», c’est-à-dire est le résultat d’une
démarche volontaire, et, de tout façon, parce que l’enfant ne peut savoir ce
qu’est le respect que par l’exemple.
Mais, dans nos sociétés individualistes, où la demande de respect n’a
jamais été aussi forte, elle se traduit le plus souvent par une demande pour
soi uniquement sans aucune réflexivité. C’est sans doute pourquoi beaucoup
d’enfants son irrespectueux car n’ayant jamais appris par l’exemple d’un réel
respect de leurs parents pour eux-mêmes mais également pour les autres, ce que
cela signifiait concrètement. Un apprentissage qui, de plus, demande du temps
et de la patience de la part des adultes mais aussi une attention à ce que l’on
fait et à ce que l’on dit pour ne pas être un mauvais exemple en la matière.
D’où, souvent, son absence…
Sans l’accompagnement qui va avec, l’émancipation de l’enfant de
l’ancien carcan ne sera qu’une illusion malgré les discours sur celle-ci,
qu’ils soient en sa faveur ou qu’ils soient critiques.
II
L’enfant est une personne
L’enfant, un être affectif, moral, intelligent et capable
Il y a trente ans, la plupart des
psychologues, des philosophes et des psychiatres estimaient que les bébés et
les jeunes enfants étaient irrationnels, égocentriques et amoraux. Ils
croyaient que les enfants étaient enfermés dans un concret ici et maintenant –
incapables de comprendre la cause et l’effet, d’imaginer les expériences des
autres personnes, ou d’apprécier la différence entre la réalité et
l’imaginaire. Les gens croient encore que les enfants sont des adultes
déficients.
Mais dans les trois dernières
décennies les scientifiques ont découvert que même les plus jeunes enfants en
savent plus que nous n’aurions jamais imaginé que cela soit possible. De plus,
des études suggèrent que les enfants apprennent du monde d’une manière
similaire à celle des scientifiques – en faisant des expériences, en analysant
les statistiques, en élaborant des théories intuitives de la réalité physique,
biologique et psychologique. Depuis les années 2000, les chercheurs ont
commencé à comprendre les mécanismes sous-jacents informationnels, évolutifs et
neurologiques qui soutiennent ces remarquables capacités. Ces découvertes
révolutionnaires ne changent pas seulement notre vision sur les bébés, elles
nous donnent une perspective renouvelée sur la nature humaine elle-même.
Alison Gopnik
Pendant longtemps l’image de
l’enfant a été celle d’un être humain en devenir, un futur adulte, et non un
être humain à part entière possédant dès sa naissance tous les attributs qui en
ferait un égal de l’adulte. Psychologues et sociologues, anthropologues,
pédiatres et autres chercheurs expliquaient encore, sauf exceptions comme le
polonais Janusz Korczak, dans le courant du XX° siècle que l’enfant était une
sorte de feuille blanche que l’adulte devait remplir avec l’enfant afin que
celui-ci devienne civilisé.
Pour certains, prenant
l’évolution comme modèle, l’enfance était même une période entre le monde
animal et le monde humain. L’enfant était considéré comme un sauvage à la mode Jean-Jacques
Rousseau mais, à l’inverse de la vision du genevois, un sauvage amoral et
incapable de réfléchir par lui-même qu’il fallait humaniser. De nombreuses
études soi-disant «scientifiques» sont alors venues corroborer toutes ces
croyances pendant des années.
Aujourd’hui, à part quelques
conservateurs qui campent sur leurs visions rétrogrades, on s’aperçoit que tous
ces travaux étaient erronés parce qu’entre autres, les postulats sur lesquels ils
reposaient étaient incorrects.
«Le clivage
entre le monde de l’enfance et celui des adultes est trompeur. Une radicale
remise en cause est en cours.» (5)
«Nous attribuons à nos pauvres années des degrés
différents de maturité. A tort. Il n’y a pas de hiérarchie au niveau de l’âge,
comme il n’y a pas de graduation au niveau des sentiments, qu’il s’agisse de la
douleur, de la joie, de l’espoir, de la déception.» (6)
«Une nouvelle vision de la nature de l’enfance et de
l’humain émerge de la recherche de la dernière décennie. Loin d’être des
adultes non-finis, les bébés et les jeunes enfants sont expressément conçu par
l’évolution pour changer et créer, pour apprendre et explorer. Ces capacités,
si intrinsèquement humaines, apparaissent dans leurs formes les plus pures dans
les premières années de nos vies. Nos accomplissements humains qui ont le plus
de valeur sont possibles parce que nous étions auparavant des enfants sans
défense et dépendants et non en dépit de cela. L’enfance et prendre soin de
celle-ci sont fondamentaux pour l’humanité.» (7)
«Sur le plan de l’instinct, seul son instinct sexuel
est différent, sous la forme d’une nébuleuse de pressentiments érotiques. Sur
le plan des sentiments, (l’enfant) nous surpasse par la force de ses passions
auxquelles il n’a pas encore appris à mettre des freins. Sur le plan de
l’intellect, il n’a rien à nous envier, il ne lui manque que l’expérience.
C’est pourquoi, alors que tant d’adultes demeurent encore des enfants, l’enfant
nous étonne souvent par sa maturité. Sa seule différence, finalement, c’est
que, ne gagnant pas encore sa vie, il doit nous céder en tout du fait qu’il est
à notre charge.» (8)
Aujourd’hui on sait que l’enfant
même dans le ventre de sa mère est déjà un être affectif et qui pense.
«Dès la vie intra-utérine, les enfants manifestent
leur plaisir d’être contactés. Ils en manifestent aussi le désir puisque, si le
contact vient à manquer à l’heure habituelle, ils le réclament; si la mère vit
une émotion, si les parents vivent un conflit, ils sont participants. (…) Je
vois chaque jour des enfants avant leur naissance, prendre l’initiative d’un
mouvement rythmé une fois qu’il leur a été proposé de l’extérieur, dans une
sécurité affective.» (9)
«Le jour où il naît le bébé est déjà doté d’un
appareil à percevoir le monde.» (10)
Aujourd’hui, on sait que
lorsqu’il naît, l’enfant possède déjà de nombreuses capacités. On sait qu’il a
un sens moral. On sait qu’il est doté d’empathie et capable d’offrir son aide
aux autres. On sait qu’il est également un être logique. Très vite, il acquiert
la capacité de discerner la réalité de la fiction.
«Nous n’avons jamais été aussi intelligents qu’avant
trois ans!» (11)
«Tout porte à croire qu’il existe des émotions morales
fondamentales universelles et non acquises par l’éducation. (…) Le petit être
humain serait donc spontanément un être moral» (12)
«Un ensemble grandissant de preuves suggère que les
humains ont un sens moral rudimentaire dès le tout début de la vie. Avec l’aide
d’expériences bien menées, vous pouvez voir les lueurs d’une pensée morale,
d’un jugement moral et d’un sentiment moral même lors de la première année de
la vie. Quelques sens du bien et du mal paraissent fermement établis. Ce qui ne
veut pas dire que les parents sont dans l’erreur quand ils sont concernés par
le développement moral de leurs enfants, ni que leurs interactions avec leurs
enfants sont une perte de temps. La socialisation est particulièrement
importante. Mais ce n’est pas parce que les bébés ou les petits enfants
manquent d’un sens du bien ou du mal, c’est parce que ce sens du bien ou du mal
qu’ils possèdent naturellement diverge de manière importante de ce que nous,
adultes, voudrions qu’il soit. (…) La moralité est, alors, une synthèse du
biologique et du culturel, du non-appris, de la découverte et de l’invention.
Les bébés possèdent certaines fondations morales – la capacité et la volonté de
juger les actions des autres, quelques sens de la justice, des réponses
naturelles à l’altruisme et à la méchanceté. Au regard de nos capacités
intellectuelles, si nous ne débutions pas dans la vie avec cet appareillage
basique, nous ne serions rien d’autre que des agents amoraux, guidés
impitoyablement par la poursuite de notre propre intérêt.» (13)
«Quand les humains sont apparus, l’évolution avait
forgé une belle et ferme fondation d’un sens moral. Jonathan Haidt du
l’université de Virginie affirme que ce sens moral est comme notre sens du
goût. Nous avons des récepteurs naturels qui nous aident à reconnaître le sucré
et le salé. De la même façon, nous avons des récepteurs qui nous aident à
reconnaître la justice et la cruauté. (…) Paul Bloom de Yale a noté que ce sens
moral peut être observé très tôt dans la vie. Bloom et ses collègues ont
conduit une expérimentation au cours de laquelle ils ont montré à des enfants
une situation mettant en scène une personne se battant pour escalader une
colline, une autre personne essayant de l’aider et une troisième essayant de la
gêner. Dès six mois, les bébés montrent une préférence pour celui qui aide sur
celui qui veut empêcher. Dans certains cas, il y a un second acte. Le gêneur
est soit puni, soit récompensé. Les bébés de huit mois préfèrent une personne
qui va punir le gêneur par rapport à celui qui sera gentil avec lui. Cela
illustre, selon Bloom, que les gens ont un sens rudimentaire de la justice dès
le premier âge de la vie.» (14)
«Les stimulations de la
morale émergent tôt dans l’enfance. Les nourrissons offrent spontanément des
jouets et aident les autres et essayent de réconforter les gens qu’ils voient
en détresse. Et, selon les psychologues Elliot Turiel et Judith Smetana, les
enfants de maternelles ont une vague notion de la différence entre les
conventions sociales et les principes moraux. Les enfants de quatre ans disent
que ce n’est pas bien de porter des pyjamas à l’école (une convention) et aussi
que ce n’est pas bien de frapper une petite fille sans raison (un principe
moral). Mais lorsqu’on leur demande si ces actes seraient biens si le professeur
les autorisaient, la plupart des enfants disent que porter un pyjama serait
bien mais que frapper une petite fille ne le serait toujours pas.» (15)
«Ces trente dernières années, on a pu constater chez
les nouveau-nés une intelligence d’une abstraction et d’une sophistication
impressionnante. Mais il faut ajouter que la transformation de cette
intelligence n’est pas moins prodigieuse lorsque les enfants grandissent.
Certains chercheurs ont défendu l’idée que les bébés naissent sans doute avec
des connaissances aussi développées que celles des adultes et il y a certainement
du vrai là-dedans.» (16)
«Le bébé doit être considéré comme un acteur de son
évolution et détenteur d’une authentique vie psychique.» (17)
En réalité, l’enfance est une
période de la vie qui ressemble beaucoup aux autres et parmi les enfants il y
en a autant que les adultes qui ont de grandes capacités, autant qui ont des
lacunes, notamment en logique, autant qui font des bêtises, etc. Et, en plus,
l’enfant a, au moins, des excuses pour un certain nombre de ses lacunes et de
ses bêtises car il n’a pas encore appris beaucoup de choses qu’il va découvrir
et que son expérience de la vie est moins grande. Mais pas sa compétence…
«L’enfant est un être doué d’intelligence qui connaît lui-même
ses besoins, ses problèmes, ses difficultés. Pas besoin d’ordres despotiques,
de rigueurs imposées, d’un contrôle méfiant. Ce qu’il faut, c’est du tact pour
rendre l’entente possible, et une confiance en l’expérience, qui facilitera la
cohabitation, la collaboration. L’enfant n’est pas un sot: chez eux les
imbéciles ne sont pas plus nombreux que chez nous. Nous drapant dans notre
dignité d’adultes, nous leur imposons cependant un nombre considérable de
devoirs ineptes et de tâches irréalisables. Que de fois l’enfant ne
s’arrête-t-il pas frappé de stupeur devant tant d’arrogance, d’agressivité,
tant de bêtises âgées.» (18)
Ce qui n’empêche évidemment pas
l’enfant de devoir être aidé et protégé du fait qu’il ne peut se protéger
lui-même physiquement, psychologiquement et émotionnellement et qu’il doit
recevoir de l’aide pour acquérir les savoirs nécessaires pour son existence.
Car si l’enfant est une personne
comme une autre, sa qualité de personne doit être encore plus protégée, plus
reconnue et plus inviolable parce qu’il dans une période de l’existence où il
dépend de personnes plus âgées, plus fortes physiquement et détentrices du
pouvoir. Cette dépendance induit un devoir de protection encore plus impératif
de la société envers l’enfant.
III
Aimer les enfants
Vous
dites: C'est fatiguant de fréquenter les enfants. Vous avez raison. Vous
ajoutez: Parce qu'il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s'incliner, se
courber, se faire petit. Là, vous avez tort. Ce n'est pas cela qui fatigue le
plus. C'est plutôt le fait d'être obligé de s'élever jusqu'à la hauteur de
leurs sentiments. De s'étirer, de s'allonger, de se hisser sur la pointe des
pieds. Pour ne pas les blesser.
Janusz
Korczak
Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi; car
c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des Cieux.
Jésus
Entre l’amour de l’individu pour
les enfants et celui de la société, tout ne s’est pas passé de la même manière,
tout n’a pas été synchronisé et ces deux amours ne sont pas identiques. Si
l’être humain a toujours aimé sa progéniture aussi loin que l’on peut remonter
dans le temps, la vision sociale de l’enfant a évolué. Mais il est faux de prétendre
que cette vision a été évolutionniste et progressive. Et il est faux de dire
que la préoccupation de l’enfant est récente même si les droits de l’enfant,
eux, sont un prolongement naturel d’une évolution de la démocratie qui a
d’abord touché les peuples, puis l’individu masculin, puis l’individu féminin
et enfin l’individu enfant.
Comment aimer les enfants?
Que pouvons-nous faire
concrètement, dès maintenant, pour mettre en place la Révolution de l’Enfant?
Nous devons aimer l’enfant, simplement.
Cette affirmation semble une
provocation. Bien sûr, répondrons l’énorme majorité des gens, nous aimons les
enfants, une majorité qui sera encore plus écrasante pour ceux qui sont
parents.
Et «simplement» semble être une
bizarrerie de langage. Mais cela signifie seulement que la seule condition est
d’aimer les enfants et de les aimer le plus simplement possible.
Et qu’est-ce que cela veut dire
«aimer simplement»? Cela signifie que c’est la condition sine qua non et, en
même temps, la seule que l’on doive remplir.
Alors se pose la question:
qu’est-ce que «aimer»? Cela fait depuis que l’humanité se pense elle-même que
l’on essaye de définir exactement ce que cela veut dire. Je n’aurais donc pas
la prétention de donner une définition définitive à la question. Mais l’on peut
dire, en tout cas, qu’aimer un enfant c’est, au moins, dans l’affection qui lui
est due, le respecter, l’aider et le protéger.
Mais, attention si aimer ce n’est
pas l’écraser sous une autorité autant illégitime que destructrice de sa
personnalité ce n’est pas, non plus, une démission de notre devoir d’adulte
envers l’enfant. Au contraire, c’est de remplir notre mission d’adulte
vis-à-vis de l’enfant en l’accompagnant dans son existence, en lui apprenant à
apprendre et à développer ses capacités intellectuelles, physiques et
psychiques tout en le protégeant.
«L’important n’est pas de s’aligner sur ce qui est
commun à tous mais de développer ce qui est propre à chacun. Le mot d’ordre
est: ‘deviens ce que tu es!’ Dans le cadre d’une éducation fondée sur ce
principe, les adultes ne peuvent pas se limiter à imposer, à transmettre; ils
doivent aussi créer les conditions pour que l’enfant puisse sans attendre
d’être ‘grand’, découvrir par lui-même ce qu’il peut être.» (19)
De même, aimer l’enfant ce n’est
transférer notre vision de l’enfant parfait sur l’enfant réel. Ce n’est pas
demander à l’enfant de correspondre à ce que nous voulons qu’il soit même si
cette volonté est faite, selon nous, des meilleures intentions pour qu’il soit
le plus heureux possible selon notre vision du bonheur. Cette
instrumentalisation de l’enfant n’est là que pour contenter les espoirs que
nous avons investis en lui sans qu’il n’ait rien demandé de tel.
«L’enfant subit une injonction à la performance en
étant de plus en plus précocement programmé pour une certaine réussite sociale
et scolaire» (20)
«Aujourd’hui une charge très lourde pèse sur les
épaules des enfants. Dès la vie fœtale, ces petits «projets parentaux» sont
l’objet de toutes les attentions mais aussi de tous les espoirs, notamment
celui de l’enfant parfait.» (21)
C’est notre capacité d’amour
envers l’enfant qui nous donnera l’aptitude et l’intelligence de construire une
société qui le respecte. Mais il ne faut pas se tromper. Amour de l’enfant
n’est pas passion de l’enfant. L’amour est tourné vers l’enfant, la passion
n’est qu’une volonté d’accaparement de l’enfant par l’adulte.
«Si l’enfant est aimé jusqu’à l’adoration, on ne peut pas
en conclure pour autant qu’il soit plus apprécié que par le passé. (…) La
passion de l’enfant peut être entendue comme un affect conduisant parfois à
l’excès. Excès d’idéalisation de sa progéniture, excès de narcissisme. Comment
pourrait-il en être autrement lorsqu’un enfant est censé combler ses parents et
gratifier ses éducateurs ou ses maîtres? La passion peut également être
associée à l’abus, à la malveillance ou à la haine dont les enfants sont les
victimes lorsqu’ils sont l’objet de la jouissance sadique ou perverse des
adultes.» (22)
Tous les spécialistes de
l’enfance le savent. Le bébé, quasiment le jour où il est conçu devient un être
affectif qui a besoin d’amour pour se développer. Un nourrisson meurt si l’on
ne s’occupe pas de lui affectivement. Un enfant ne peut vivre harmonieusement
s’il n’est pas aimé. C’est évidemment la même chose pour un adolescent. Et le
«grand enfant», l’adulte, ne réussira sa vie que s’il a été aimé lors de son
enfance et s’il aime et est aimé dans son existence toute entière.
La Révolution de l’Enfant ne
pourra être enclenchée, réussir et perdurer que dans l’amour des enfants.
«(…) Le droit vital qui manque: le droit d’affection.
Sans nourriture affective pas de survie possible. Pas de résilience. L’homme se
nourrit d’affectio-éléments. Si la faim décime les pays pauvres, la
malnutrition affective ravage les pays riches. (…) Le droit d’affection est une
priorité à inscrire au premier rang des droits de l’enfant. Premier droit de
l’homme.» (23)
Et nous devons l’aimer dès qu’il
a été conçu pour qu’il puisse se développer harmonieusement et en sécurité dans
le ventre de sa mère.
«Bien que l’haptonomie, en tant que science de
l’affectivité, comprend toute l’existence humaine – de la conception à la mort
– les études et les observations de l’être humain en devenir forment une partie
dominante de son champ de recherche. Ceci du fait que, déjà très tôt après sa
conception, des influences sur l’enfant en gestation peuvent déterminer à un
haut degré son épanouissement et son individuation, son devenir-soi en toute
authenticité et autonomie, après sa naissance.» (24)
Puis nous devons l’aimer dès sa
naissance afin qu’il se sente dans un état de sûreté et de sécurité, qu’il se
sente le «bien-venu». Cette atmosphère affective doit, ensuite, entourer
l’enfant constamment afin que celui-ci puisse s’épanouir dans son enfance et
tout au long de sa vie.
«En première instance, il y a l’affermissement
rationnel de l’existence. C’est la validation rationnelle de l’existence concrète
de l’autre. La reconnaissance et la justification de son être-au-monde. C’est
dire oui à l’autre, à sa présence, au fait qu’il existe, en l’acceptant dans sa
manière d’exister. (…) Un enfant ne peut pas s’épanouir si cet affermissement
existentiel ne lui est pas procuré régulièrement en croissant et grandissant et
cela par une conséquente répétition. (…) Il n’existe d’humanité réelle que là
où cet affermissement est procuré et que l’aptitude à le procurer aux autres a
pu s’y épanouir. En deuxième, c’est la confirmation affective qui se montre de
qualité fondamentale pour l’intégration de la personne. Cette confirmation va
bien au-delà de l’affermissement rationnel de l’existence et se trouve être
encore de plus grande importance pour l’établissement de l’authenticité de
l’individu, fondé sur un être soi-même bien équilibré. C’est une confirmation
(…) qui dépasse largement cet affermissement en reconnaissant et en validant
l’autre dans le bien, le «bon» individuel, l’estimant et l’assurant dans son essence.
En tant que telle, elle conforte – affirme, affermit et confirme –
l’authenticité de l’individu.» (25)
Nous devons prendre en compte la
volonté de l’enfant. Nous devons écouter l’enfant. Nous devons laisser l’enfant
s’exprimer. Nous devons laisser à l’enfant le temps d’être enfant. Nous devons
être éveillés et être attentifs à ce qu’est l’enfant. Nous devons faire
confiance aux enfants et en leurs capacités.
Le rôle des adultes envers les
enfants est de les aimer, de les aider et de les protéger et non de les
gouverner.
Et nous devons aimer les enfants
pour ce qu’ils sont et non pour ce que nous voudrions qu’ils soient.
Oui, nous pouvons changer nos
comportements, tout de suite, sans que cela nous demande énormément d’efforts.
Et nous sommes capables de le faire. Et nous harmoniserions alors nos actes
avec nos paroles et nos serments d’amour envers nos enfants.
«Il est plus facile, mais tellement réducteur, de
penser qu’il suffirait d’un regain d’autorité ‘la main levée’ pour remettre au
pas tant d’enfants déconstruits par la maltraitance de toute une société… Il
est désormais urgent de changer nos comportements.» (26)
Aimer les enfants et en faire la
pierre angulaire de notre comportement vis-à-vis d’eux est tout sauf une
démission face à notre responsabilité envers eux. Au contraire, c’est remplir
exactement notre rôle de parent ou d’adulte.
Celui qui aime les enfants, les
respecte.
Celui qui respecte les enfants
les aime.
La société doit aimer les enfants
C'est
à la place faite aux enfants que l'on juge une société et sa culture.
Jean-Pierre
Rosenczveig
Certains affirment que
l’affection portée à l’enfant est récente, qu’elle daterait du milieu du XVIII°
siècle, comme si, tout d’un coup, on se serait aperçu de la réelle existence
des enfants et du fait qu’ils étaient dignes d’être aimés. Rien n’est plus
faux. Il suffit de reprendre les réactions d’amour suscitées par l’arrivée d’un
enfant ou de tout autre événement qui les concerne, pour démontrer sans
conteste que l’enfant a toujours été aimé par ses parents même si, par exemple,
il devait rapidement «grandir» et participer à la subsistance de la famille
quand celle-ci était pauvre.
En réalité, la révolution dans ce
domaine vient du fait que l’affection pour les enfants s’est étendue de la sphère
privée à la sphère publique. Ce qui n’était auparavant une préoccupation
uniquement de la sphère familiale, l’affection pour les enfants, est devenue
également une préoccupation de la société.
La tendance historique des politiques publiques à
destination des enfants a été marquée par l’idée de protection et, par voie de
conséquence, de contrôle éventuel sur les familles. L’avènement de la famille
«relationnelle» détermine une politique publique, d’une part, d’accompagnement
de la famille, d’autre part, de promotion de l’enfant comme individu.
(…)
Comme les adultes, l’enfant n’est plus défini
uniquement par la place qu’il occupe au sein du groupe familial. Il peut être
l’objet spécifique de politiques publiques: les politiques publiques à
destination de l’enfant peuvent être autonomes par rapport aux politiques
publiques de la famille. Cette autonomisation se voit par ailleurs renforcée
par ce qu’on a appelé le retour de la question sociale. Ce retour converge avec
une prise de conscience de situations dégradantes imposées à l’enfant pour
faire de la question de l’enfant un problème public en soi. (27)
Cela ne signifie pas que la
société se désintéressait de l’enfant auparavant, le laissant sans protection.
«L’on pourrait donc bâtir à peu de frais une analyse
très simplifiée, qui raconterait l’histoire du statut de l’enfance en Occident
comme une marche au progrès, une ascension progressive vers la reconnaissance
et la protection. Mais ce n’est pas cette histoire-là que nous voulons
raconter. Car elle est incontestablement fallacieuse: centrée sur les
représentations de soi-même qu’à créées l’Occident sur les deux derniers
siècles, elle ne fait que raconter a posteriori la fable d’une rationalité
occidentale moderne triomphant de l’obscurantisme médiéval.
L’on remarquera d’ailleurs que l’enfance occidentale
actuelle est une enfance pédagogisée entraînée de force dans un processus de
diplômation qui ronge son temps ludique au profit des temps d’apprentissage
scolaires et périscolaires.
La condamnation des époques antérieures est pourtant
un préjugé tenace: l’époque contemporaine ne peut s’attribuer des mérites dans
la reconnaissance de l’enfance qu’à condition de dévaloriser avec aveuglement
les époques antérieures, taxées d’oubli ou de mépris vis-à-vis du monde des
petits. C’est ainsi que des thèses très répandues répètent à l’envi que grâce
aux bienfaits de la psychologie de l’enfant et des diverses pédagogies de
l’Education Nouvelle, le XX° siècle s’est opposé aux dérives du passé: le Moyen
Age aurait ignoré l’enfance et aurait complètement manqué d’un sentiment de
l’enfance, l’Antiquité se serait contentée d’endoctriner l’enfance ou de la
présenter comme un âge imparfait, à quitter rapidement grâce aux vertus d’une
éducation bien menée.
Nous aurons à montrer, surtout à propos du millénaire
médiéval, que le problème des représentations de l’enfance ne se prête pas à
une histoire simplifiée faisant du Progrès de Dieu d’un Temps Historique
prodigue en acquis successifs. On relève plutôt des constantes anthropologiques
et des invariants conceptuels dans les discours sur l’enfance: sur un plan
négatif, on notera que la dévalorisation de l’enfance n’a guère changé de
thématique au cours des siècles. Plus étonnant encore: les prétendus thèmes
«modernes», notamment en pédagogie, sont déjà repérables dans l’Antiquité et le
Moyen Age, où ils étaient déjà «modernes». Bref: il n’y a pas d’un côté les
méchants adultes du passé, violents et méprisants à l’égard des enfants, de
l’autre côté les gentils pédagogues et psychologues du XXI° siècle.» (28)
«Avec le christianisme, de nouvelles dispositions se
révèlent. Dans le Nouveau Testament, l’enfant est encensé. Le Christ présente
les enfants et la richesse de leur nature, comme modèle à ses disciples.
L’enfant Jésus dès le IV° siècle est vénéré. La fête des Saints Innocents,
célébrée dans l’octave de Noël, le 28 décembre, nous rappelle la dévotion qui
lui est portée.
(…)
(L’empereur Constantin) interdit de vendre les
enfants. Suite à cette mesure, en 318, un édit décrète que l’infanticide comme
le parricide sera, de la même manière, puni de la peine capitale. Enfin, en
331, il autorise ceux qui recueillent une enfant exposé à l’adopter, sans
possibilité à ses parents de le reprendre. Ces dispositions seront ensuite
reprises par l’édit de Gratien en 374, avec, en plus, le rappel au père du
devoir de nourrir son enfant. L’infanticide, l’avortement et l’exposition des
enfants sont condamnés de la même manière par la justice. Ils sont considérés
comme des meurtres.» (29)
Mais cette prise en compte de
l’enfant n’en faisait pas forcément au plan social, un être considéré pour ce
qu’il était. Le XX° siècle a donc opéré une nouvelle vision de l’enfant par la
société.
«C’est précisément à travers cet état adulte projeté,
perçu comme un achèvement de l’enfance, que l’enfant était jusqu’à récemment
regardé, donc à travers un standard qui ne pouvait que faire ressortir ses
manques. En d’autres termes, c’est aussi un regard «adulto-centré» qui a
produit l’enfant tel qu’il était considéré et pensé comme spécifique. (30)»
Pour autant, jusqu’à présent la
société n’est pas parvenue à réellement aimer l’enfant pour lui-même mais
uniquement à faire de l’enfant un objet de valeur. Du coup, tous les cercles de
la société (à part les criminels) ont considéré la valeur de l’enfant plus que
l’âme de l’enfant. Et ce même si la Convention des Droits de l’Enfant adoptée
par les Nations Unies et ratifiée par la plupart des Etats de la planète
indique dans son préambule que «l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de
sa personnalité doit grandir (…) dans un climat de bonheur, d’amour et de
compréhension».
«On affirme volontiers que chaque enfant est un être
original, unique, qu’il est sujet de droit et que – bien que petite personne
par rapport aux grandes personnes qui l’entourent – il est un être humain à
part entière. Ce qui signifie qu’il est, au même titre que chacun de nous, être
de désir et de plaisir, être de compétences et de manques, sujet social. Est-il
vraiment reconnu comme tel?
Famille et société font de l’enfant, en même temps ou
successivement, un enfant roi et un enfant victime. Enfant roi élevé sans
contraintes, pour qui rien n’est trop
beau, et dont la rareté fait un être précieux et choyé. Enfant victime, puisque
ses besoins essentiels d’amour, de stabilité, d’expérimentation et
d’encouragement se heurtent aux normes actuelles de fonctionnement familial et
social.» (31)
Ainsi, la société n’aimera
véritablement les enfants que lorsqu’elle les reconnaîtra réellement comme des personnes.
«On quête, on en appelle aux droits de l’homme, on
inaugure l’année de l’enfance. Bonnes œuvres, beaux discours! Tout le monde
verse sa larme et son obole! On dénonce les bourreaux d’enfants, les Minotaures
du siècle, les ogres technocrates!... La frontière entre les enfants nantis et
les enfants déshérités, les gâtés et les écrasés, est arbitraire et trompeuse;
ce qui empêche de voir les défenses de la société… Le sort qui est réservé aux
enfants dépend de l’attitude des adultes. La cause des enfants ne sera
sérieusement défendue tant que ne sera pas diagnostiqué le refus inconscient
qui entraîne toute société à ne pas vouloir traiter l’enfant comme une
personne, dès sa naissance, vis-à-vis de qui chacun se comporte comme il
aimerait qu’autrui le fasse à son égard.» (32)
«C’est une erreur de croire que la pédagogie est une
science de l’enfant et non pas de l’homme Dans un moment d’emportement, un
enfant violent frappe, un adulte violent tue. A un enfant naïf, on soutire son
jouet; à un adulte naïf on fait signer des traites. Un enfant déraisonnable
dépense en bonbons l’argent du cahier; un adulte irresponsable dilapide son
patrimoine au jeu. Enfant? Adulte? Il y a seulement des êtres humains. Seule
existe une différence d’échelle entre les idées, les sentiments, les
impulsions, les expériences de chacun d’eux.» (33)
Les enfants ont un double statut
dans notre société. Ils ont d’abord et surtout celui d’une personne égale en
tous points à celui d’une autre personne. Mais ils ont aussi celui d’une personne
fragile que l’on doit protéger et à qui il faut transmettre un savoir tout en
l’aidant à apprendre la vie.
L’enfant est à la fois un être
comme tout le monde et un être différent. Sa ressemblance nous impose de le
traiter comme nous devons traiter tous les autres individus et comment nous
souhaitons être traités et respectés. Sa différence nous impose de le protéger
et de lui permettre de se réaliser.
Les enfants ont des droits parce
qu’ils sont les égaux des adultes. Et ils ont encore plus de droits parce que
les adultes ont une obligation de les protéger dans un monde qu’ils découvrent
et qu’ils apprennent.
Non seulement nous avons à
respecter l’enfant mais nous avons également à lui rendre la vie plus belle. Et
si sa vie est plus belle alors notre vie sera aussi plus belle. Et puis, quoi
de plus gratifiant que de rendre la vie d’un enfant plus belle.
Le droit primaire de l’enfant est
celui du droit à l’enfance. Mais, attention, ce droit n’est pas, à l’opposé de
ce qu’estiment certains, la preuve que l’enfant est un incapable que l’on doit
éduquer. Cela veut dire que l’enfant doit être aimé pour être protégé et aidé
afin de pouvoir être lui-même dans l’autonomie et la liberté. Cela signifie
tout le contraire de contraintes sur lui parce qu’il serait incapable d’être autre
chose qu’un être irresponsable qu’il faut encadrer et dresser.
«Le droit primaire de l’enfant est son droit à
l’enfance: le droit de pouvoir vivre dans toutes les dimensions de son enfance,
d’une façon qu’il puisse se développer selon sa constellation significative,
déployant ses talents, ses dons et ses facultés dans une ambiance aimante,
encourageante, rassurante et sécurisante, donc affectivo-confirmante. En
observant ce droit, on le respecte dans sa personnalité; son individualité
consciente qui révèle son caractère inné – faisant appel à sa responsabilité
éclosante et fondant la confiance en soi-même.» (34)
«Le droit à l’enfance fait pour moi partie des droits
de l’enfant. Le respect des rythmes de l’enfant est essentiel pour que son
développement soit harmonieux.» (35)
«Ne pas piétiner, ne pas humilier, ne pas en faire un
esclave du lendemain; laisser vivre sans décourager, ni brusquer, ni presser.
(…) Laissons-le, confiant, boire la gaieté du matin. C’est ce qu’il veut.» (36)
Aimer les enfants, c’est aussi
les prendre en compte dans tous les décisions politiques.
«L’intérêt supérieur des enfants en tant que critère
primordial de gouvernance. Chaque aspect de la gouvernance peut affecter les
droits de l’enfant. Que les décisions concernent la fiscalité ou le commerce,
la diplomatie ou l’endettement, il n’existe pas de politique, loi, budget,
programme ou plan qui soit « neutre pour les enfants ». Le premier défi pour
les États parties consiste donc à évaluer les conséquences sur les enfants de
toute la gamme de leurs actions législatives et administratives. Le second
consiste à s’assurer que les budgets, politiques et programmes appliquent les
principes de la Convention sous tous ses aspects. Au niveau national, les
budgets et les programmes, en particulier, devraient classer par ordre de
priorité les services qui sont essentiels pour faire respecter le droit des
enfants à la survie, au développement, à la protection et à la participation.
Ces efforts devraient permettre de mobiliser et coordonner les ressources des secteurs
publics et privés tout en surveillant la situation des droits de l’enfant à
l’intérieur des pays et des communautés. Dans la coopération pour le
développement, les pays donateurs et les pays récipiendaires doivent examiner
si l’aide se révèle efficace pour les enfants. Dans les districts et les
communautés, les administrations locales doivent veiller à ce que les
initiatives de développement favorisent l’inclusion et la participation et que
les opinions des femmes et des enfants soient prises en compte dans les lois,
pratiques, politiques et programmes.
Le renforcement et l’application des lois en faveur
des droits de l’enfant représentent un autre défi. Il sera peut-être nécessaire
à cette fin de créer au sein des gouvernements des structures permanentes
chargées de promouvoir les droits de l’enfant et de coordonner les mesures
prises entre secteurs. La promotion de responsables indépendants chargés des
droits de l’homme, comme des médiateurs pour les enfants par exemple, peut
également renforcer le suivi des droits de l'enfant à l’intérieur des pays et
des communautés. Une meilleure compréhension de la situation des enfants,
reposant sur des preuves tirées de données, de recherches et de l’évaluation,
est aussi un élément capital pour évaluer l’efficacité de la mise en œuvre de
la Convention.» (37)
Cela étant dit, personne ne demande que le monde ne soit fait que pour
les enfants mais qu’il soit aussi fait pour les enfants.
A ce titre, force est de constater que le monde est avant tout fait
pour les adultes, que ce soit son organisation sociale, son organisation
sociétale ou son organisation économique.
Ainsi, l’espace urbain est avant tout pensé et bâti pour les adultes et
pourra être éventuellement «aménagé» pour être moins agressif pour les enfants.
Ainsi, l’emploi du temps de l’enfant (notamment de l’enfant scolarisé) est
pensée et bâti en fonction de l’emploi du temps de l’adulte et de ses
désidératas en la matière ainsi que de ceux de l’organisation économique et
pourra être éventuellement «aménagé» afin de n’être pas trop fatigant ou
aliénant pour l’enfant.
«Il devient de plus en plus nécessaire – surtout dans
les sociétés industrielles et postindustrielles, où l’enfant tend à être
considéré par un nombre croissant de personnes comme un animal de compagnie, un
luxe, ou encore une source de désagréments – d’insister sur le fait que
l’enfance fait partie intégrante de la société et de sa division du travail.
C’est ce que l’on peut appeler l’argument utilitaire en faveur de l’insertion
de l’enfant et de l’enfance au centre des considérations sociales, économiques
et politiques. Pour autant, ma présente argumentation ne doit pas être comprise
comme une plaidoirie légitimant la conception de l’enfant en tant que
main-d’œuvre au sens conventionnel du terme. Elle intervient en faveur de la
reconnaissance du travail scolaire comme élément intrinsèque de la division du
travail, qui ne peut être séparé du travail de la société dans son ensemble.»
(38)
Aimer quelqu’un, ce n’est pas rendre sa vie plus difficile mais lui
éviter de telles difficultés. C’est aussi cela que la société doit faire si
elle aime les enfants comme elle ne cesse de l’affirmer sans en apporter les
preuves concrètes.
IV
La Révolution de l’Enfant, révolution définitive de l’Amour
Quand le ciel veut sauver un homme, il lui envoie l’amour
Lao-Tseu
La Révolution de l’Enfant sera la
Révolution de l’Amour. Elle sera la «révolution définitive» qui permettra
d’établir la Société de l’Amour, la «meilleure société possible» que les
humains puissent établir sur cette planète (et non la société parfaite qui
n’existera bien évidemment jamais).
La Révolution de l’Enfant se fera
par l’Amour. Amour
embrasse le tout amour. Amour est la valeur ultime et première, la seule qui puisse
réaliser la «Révolution définitive», c’est-à-dire la vraie révolution. Ce
concept de «Révolution définitive» mérite quelques explications.
Dans l’Histoire, et notamment dans celle qui
nous est contemporaine, les pays et les continents ont vécu des crises et des
bouleversements que certains ont qualifiés de révolutions. Tout le XIX° siècle et
le XX°, après les premières «révolutions», celles qui ont eu lieu aux
Etats-Unis puis en France (en comptant, peut-être également celle d’Angleterre
au XVII° siècle), en ont été jalonnés aboutissant à la mise en place de régimes
politiques différents, souvent dans leur forme essentiellement, et à de
nouvelles nations.
En fait, jusqu’à présent, tous ces
événements n’ont été que des révoltes ou, au mieux, des révolutions inachevées
dont, bien sûr, il n’est pas question, ni de minimiser leurs résultats et les
acquis pour l’humanité. Cependant, aucune d’elles ne peut se prévaloir du
qualificatif de révolution puisqu’elles n’ont pas réellement changé le monde.
D’ailleurs, pour certains historiens, ces soi-disant révolutions ne sont que
des crises plus ou moins cycliques, dont la caractéristique première est leur
violence. Or, la vraie révolution, la «révolution définitive» ne peut être que
non-violente, elle ne pourra s’établir que sur la volonté de tous et le travail
de tous.
Le mécanisme qui aboutira à l’établissement
de la «meilleure société possible», c’est-à-dire à la Société de l’Amour, ne
peut être qu’une révolution puisqu’il changera une bonne fois pour toute la
manière de concevoir la vie sur Terre (et non la vie elle-même qui restera
toujours identique) et les rapports entre les êtres humains.
La «Révolution définitive» sera donc celle
qui refondera le monde. Seul l’Amour est capable d’être la substantifique
moelle de cette refondation. D’autant que, de la même façon que la révolution
est, au sens étymologique du terme, également un cycle qui revient à son point
de départ, l’Amour est le début et la fin, l’alpha et l’oméga, la base et le
but, la genèse et l’aboutissement. En ce sens, également, la «Révolution
définitive» ne peut que se référer à l’Amour, avoir comme but unique son
établissement.
Cette «Révolution définitive» ne peut être
que pacifique et respectueuse des êtres humains. Elle se différencie donc
fondamentalement de tous les événements violents que l’on a qualifiés de
révolution et même de cette idée qu’une révolution est violente par essence. En
réalité la seule vraie révolution ne peut être qu’une antithèse de la violence
pour justement être définitive.
De même, pour être définitive, cette révolution
doit être acceptée par tous les êtres humains. L’acceptation demandée se base
sur le quatuor Respect, Tolérance, Solidarité, Liberté c’est-à-dire par la
reconnaissance pleine et entière de l’autre dans sa différence et donc de
moi-même dans ma différence.
La «Révolution définitive» ne peut que
mettre au centre de ses préoccupations l’enfant.
V
N’oublions pas le grand enfant!
L’amour ne voit point avec les
yeux mais avec l’âme
William Shakespeare
Nous ne serons capables de changer le monde qu’en aimant les
enfants, tous les enfants… même les grands enfants que sont les adultes. Car
une Révolution de l’Enfant n’a de sens que si elle change les comportements et
la vision que nous avons de l’autre, de tous les autres, enfants et adultes.
Et de l’enfant aimé et respecté
éclorera, «naturellement», un adulte aimant et respectueux.
Car l’amour que doit recevoir
l’enfant, le vrai, libère et émancipe dans le respect, la tolérance et la
solidarité de l’autre. Ce n’est pas un amour qui annihile, qui enveloppe l’individu
puéril, égocentrique et égoïste, d’un cocon d’irresponsabilité.
L’individu qui doit se construire
grâce à cet amour, qui doit bâtir cette Société de l’Amour et en être un
membre, ne peut être qu’une personne aimante, éclairée, libre, respectueuse et
respectée, responsable.
Notre capacité d’amour
Notre capacité d’amour est la condition pour que l’enfant
devienne «un être humain, un individu, indépendant et autonome, doué de raison,
agissant consciemment, raisonnablement, de façon responsable de ses actes, se
comportant avec prudence et respect dans les contacts avec les autres, prenant
sur soi les conséquences de ses actes, dont il sait se justifier» tel que Frans
Veldman, le père de l’haptonomie dresse son portrait.
Et c’est cet enfant devenu un adulte qui fera vivre cette
Société de l’Amour et qui sera capable de transmettre les valeurs et les
comportements qui permettront à celle-ci de perdurer.
Pour tous ceux qui estiment que
c’est une tâche impossible pour la société de produire un tel individu,
rappelons tout ce que nous avons dit sur les capacités de l’enfant et écoutons
le philosophe chinois Men Zì (Mencius), disciple de Kongfuzi (Confucius): «(...) Les tendances de
notre nature peuvent toutes servir à faire le bien; voilà pourquoi je dis que
la nature est bonne. Si l’homme fait le mal, on ne doit pas en attribuer la
faute à ses facultés naturelles. (...) Tout homme a des sentiments de
compassion pour les malheureux, de pudeur et d’aversion pour le mal, de
déférence et de respect pour les autres hommes. Il sait discerner le vrai du
faux, le bien du mal. La commisération, c’est la bienveillance. La honte et
l’horreur du mal, c’est la justice (cette disposition qui nous porte à traiter
les hommes et les choses comme il convient). La déférence et le respect
constituent l’urbanité. La vertu par laquelle nous discernons le vrai du faux
et le bien du mal, c’est la prudence. La bienveillance, la justice, l’urbanité,
la prudence ne nous viennent pas du dehors, comme un métal fondu qu’on verse
dans un moule. La nature les a mises en nous. (Mais la plupart des hommes) n’y
font pas attention».
Une personne aimante
Quand je
respecte la liberté de l’autre, le droit d’autrui de disposer de sa vie, je
fais un acte d’amour, comme lorsque je suis solidaire de lui, que je partage
avec lui. C’est d’autant un acte d’amour, qu’il est symétrique -ainsi que
réflexif et transitif. Car, lorsque je respecte la liberté d’autrui, c’est
parce que je veux que celui-ci respecte ma liberté et qu’il la respecte
effectivement. Je t’aime parce que je veux que tu m’aimes et que tu m’aimes
réellement (car, toi aussi, tu veux que je t’aime).
Dire que le
respect de la liberté d’autrui est un acte d’Amour n’est pas une simple
redéfinition de concepts afin que ceux-ci aient une cohérence avec la théorie
exposée ici. Au contraire, cela permet à ces concepts de retrouver leurs sens
premiers. Car l’amour est respect et reconnaissance. Aimer l’autre c’est
également -et peut-être avant tout- le respecter et le reconnaître. Donc, c’est
aussi me respecter et me reconnaître moi-même. Donc c’est aussi demander à cet
autre d’avoir le même comportement vis-à-vis de moi (et vis-à-vis de lui-même)
c’est-à-dire de me respecter et de me reconnaître (et de se respecter et de se
reconnaître).
L’amour,
c’est avant tout cette propension que nous avons d’aller vers l’autre, de lui
donner de l’affection et d’en attendre. Car, toute la clé de la «meilleure
société possible», c’est la reconnaissance dans toute l’acceptation du terme de
l’altérité, de l’existence de l’autre qui fonde également notre propre
identité, cette affirmation étant vérifiable également symétriquement.
En guise de conclusion
L’Amour que nous portons à nos Enfants peut changer le monde
En guise de conclusion à cette
plaidoirie pour une Révolution de l’Enfant, citons un texte du philosophe
chinois Men Zì
qui dresse bien le portrait de la personne qui, aimant l’enfant, est bien celle
qui mérite d’être appelée «personne» et qui est au cœur d’une société libre,
respectueuse, solidaire et tolérante. Une personne que, chacun de nous, peut
être car nous sommes tous des êtres d’amour même si, malheureusement, trop
souvent, les conditions de notre existence nous le font oublier.
«Si un homme aperçoit soudain un enfant sur
le point de tomber dans un puits, quel qu’il soit il éprouvera au cœur une
pénible frayeur; et cela non pas parce que l’enfant serait de ses relations, ni
parce qu’il se voudrait faire une réputation dans son entourage, ni parce qu’il
trouverait odieux les cris de l’enfant. Il est clair par là que celui qui n’a
pas le cœur sensible n’est pas un homme, que celui qui n’a pas le cœur délicat
n’est pas un homme, que celui qui n’a pas au cœur le sentiment de ce qu’il faut
et de ce qu’il ne faut pas n’est pas un homme. La sensibilité du cœur, elle est
au principe de la vertu d’humanité; la délicatesse du cœur, elle est au
principe du sens du devoir; l’effacement consenti par le cœur, il est au
principe du sens des rites; le sentiment de cœur de ce qu’il faut et de ce
qu’il ne faut pas, il est au principe de l’intuition morale.»
Références
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sociologie de la famille, L’Enfant n’est pas qu’un Enfant, in Sciences
Humaines, Grands dossiers n°8, 2007
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(12) Jean-François Dortier, A quoi pensent les enfants
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Laffont, 1919
(34) Franz Veldman, La confirmation affective à l’aube
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(35) Bernard Golse, La philosophie du bébé, l’Enfant
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(36) Janusz Korczak, Le Droit de l’Enfant au Respect,
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(38) Karl Eric Knutsson, Vers une nouvelle conception
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